Pourquoi la femme sera-t-elle visée par la violence d’une représentation fantasmée, par un effort de judiciarisation et finalement par la Loi elle-même?
LA PLACE GRANDISSANTE DES FEMMES: À une vision misérabiliste (patriarcat) de la condition de la femme au Moyen ¸Âge (société féodale, pas de pouvoir public) a succédé une autre image de celle-ci : un être qui n’était ni sans défense ni sans pouvoir. Avec le passage de la féodalité au capitalisme, la place prise par les femmes au sein de la société grandie tranquillement et soulève l’inquiétude des hommes, qui deviennent de plus en plus misogynes et envieux de pouvoir. Au Moyen-Âge, dès l’âge de 12 ans, les femmes étaient déclarées comme majeure ; leur futur était tracé et elles étaient destinées à la vie commune, le mariage ainsi qu’à l’éducation des enfants. La femme a toujours eu un certain pouvoir, notamment au sein de la famille, mais celui-ci n’est que minime. Cela change pourtant avec l’arrivé d’un système basé sur le capitalisme et les femmes gagne tranquillement en pouvoir. Quelques femmes entrent sur le marché du travail et développent de plus en plus de connaissances, qu’elles sont aussi en mesure de transmettre. Cette montée des femmes effraie l’État et la population masculine, qui les appelleront donc des sorcières. La chasse aux sorcières justifiait l’élimination de toute femme qui possédait le moindre pouvoir ou caractère fort/rebelle.
LE TRANSFERT DE LA LUTTE DE POUVOIR ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT: Au début, c’est l’Église qui contrôle l’ensemble de la vie civile, les relations entre les sexes, le comportement des femmes en particulier, et leur corps si enclin à la tentation. Cependant, lors des procès en sorcellerie, l’État s’incruste inévitablement dans la justice. Les sorcières vont donc constituer un enjeu de pouvoir entre l’Église et l’État. Malgré la présence de l’État dans les procès (laïcisation), ceux-ci demeurent principalement «religieux», puisque la sorcellerie est d’abord un crime d’atteinte au divin, les juges sont donc amenés à se positionner sur des questions de dogme.
L’Église démontre, dès ses débuts, une « méfiance envers la médecine, […] son rejet de toutes explication rationnelle de la maladie, au profit d’une explication par le mal et le péché, empêchent de connaître d’autres moyens thérapeutiques que l’exorcisme et l’invocation des saints. La théologie, « unique science qui commande aux autres », domine tout. » L’Église condamne alors tout acte de médecine et ainsi, les agissements de plusieurs femmes telles que des sages femmes, des guérisseuses, des sois-disant magicienne qui faisaient de la médecine naturelle…
Au Moyen Âge la chrétienté est une sorte de fédération d’états distincts, comme si le pouvoir religieux était avant tout un pouvoir moral et spirituel. C’est un pouvoir absolu reposant sur la foi plutôt que sur la loi ainsi que sur une conception de la vérité impliquant la parole de Dieu plutôt que la capacité de l’humain à raisonner par lui-même. Les accusations des femmes sont donc faites sur des bases religieuses qui sont non fondées et qui ne peuvent être prouvées par la science. Les preuves n’ont aucune base rationnelle. Elles ne sont toutefois pas remises en question puisqu’elles sont perçues comme vérité ultime et douter de la religion était mal vu.
Analyse de l’image: …(À continuer)
LA HANTISE DE LA LUBRICITÉ DES FEMMES: FANTASME : Une production imaginaire qui représente le sujet dans un scénario déterminé à la manière d’un rêve où figure d’une manière plus ou moins voilée un désir.
Au Moyen-Âge, on croyait que les femmes entretenaient un fantasme pour le Diable, qu’elles prenaient plaisir à êtres forcées de renoncer et renier leur Sauveur, la sainte Vierge, leurs pères et mères, les douceurs du ciel et de la terre. On croyait qu’elles adoraient et idolâtraient un Diable et souhaitaient s’adonner à des actes sexuels avec lui. L’Église tentait de contrôler la sexualité en qualifiant des pensées sexuelles, les fantasmes et le désir comme témoignage du mal. Ces femmes sont accusées de prendre plaisir à caresser le démon, mais ce dernier n’est pas lui aussi condamné par l’Église pour avoir concrétisé ses désirs sexuels interdits. Seules les femmes seront brûlées pour avoir commis un péché. Par l’exécution de ces femmes aux idées impures, l’homme trouve un moyen de purifier sa propre âme de toutes pensées perverses qu’il pourrait entretenir envers elles. Punir les femmes pour leur sexualité est, en quelque sorte, le moyen qu’on trouver les hommes de se libérer de leur propre culpabilité face aux fantasmes qui habitent leur esprit et qui sont jugés immoraux par l’Église.
MODERNITÉ ET DOMESTICATION: « Domestication (de la nature) »: Tout acte délibéré d’appropriation et de transformation d’éléments naturels en vue d’assurer la commodité des êtres humains. La domestication est l’acquisition et la transformation de caractères et de comportements au contact de l’homme, que ce soit suite à une interaction prolongée ou à un effort volontaire de sélection. Domestication de la femme par l’homme, qui la confine au sein du foyer avec comme seule valeur et utilité ses capacité reproductive.
La relation entre l’homme et le femme serait devenu le principal lieu de la lutte pour le pouvoir. L’homme a toujours tenté de contrôler la Nature elle-même pour en devenir maître (domestication, usage de la raison et de la pensée rationnelle, instrumentalisation des connaissances, élaboration du droit etc) et pour se représenter le monde qui l’entoure d’une façon objective.
Avec le développement de la science moderne vient l’affranchissement des dogmes de l’Église. C’est plutôt par l’usage de la Raison qu’on tentera de comprendre la Nature. On passe aussi de la foi à la loi, on réalise que la connaissance de la vérité repose sur l’usage de la Raison, la démarche scientifique et la souveraineté de l’esprit.
Si la science a cherché à comprendre la Nature objectivement quel est le problème dès lors que la femme est associée au domaine de la Nature? La femme est vue comme « naturelle » entre autres à cause de sa capacité à donner naissance. On lui attribue aussi certaines caractéristiques et qualités telles que la sensibilité naturelle…(À continuer)
RATIONALISATION CAPITALISTE DE LA SEXUALITÉ: Le capital est une richesse utilisée pour produire une richesse supplémentaire. Une des conséquences de l’utilisation du capital est son effet sur les rapports sociaux entre les personnes (ex: pauvreté grandissante vs minorité riche). Il y a non seulement séparation entre le travailleur et les moyens de production dans le contexte du capitalisme, mais aussi et surtout séparation pour la femme entre elle-même et son propre corps (lutte des pouvoirs vers lutte entre les genres, instauration du patriarcat, assujettissement des femmes, association des femmes à la Nature, domestication des femmes pour la reproduction de travailleurs). Cela explique donc la destruction du pouvoir social des femmes dans le but de renforcer le système patriarcal et d’assurer la suprématie masculine dans le contrôle du corps féminin. L’influence du capitalisme se voit dans cet assujettissement nécessaire à la hiérarchisation, qui fait de la femme une simple machine à procréer au sein d’un système économique gouverné par les hommes. La chasse aux sorcières est ainsi un moyen trouvé par les hommes pour contrôler la femme et son corps et empêcher l’ascension de celle-ci au pouvoir. Les hommes justifient l’infériorité de la femme par son rapport à la Nature et sa sensibilité physiologique qui l’empêcherait de raisonner de façon logique, d’avoir les même droits et pouvoirs que les hommes et d’être valorisée autrement que pour ses capacité de procréation.
LA FORCE DU DROIT: On serait porté à croire que les stéréotypes et la violence envers les femmes au cours de la période de la chasse aux sorcière sont tranquillement disparus avec l’avènement de la rationalité. Pourtant, on remarque que la violence des répression faites aux femmes a augmentée et non diminuée avec l’émergence de la modernité (souveraineté des États, Humanisme de la Renaissance, rationalisme scientifique, capitalisme, Droit…).
On vient à se demander si le danger pour la société est la sorcière elle-même ou la femme épanouie à l’extérieur du cadre du foyer, menaçant le fonctionnement social qui dépend de sa domestication et de son obéissance envers l’homme?
On est passé d’une oppression des femmes qui prenait ses origines dans le dogme religieux à une justification légitime de la chasse aux sorcière au niveau du Droit lui-même. La sorcellerie est passée d’un acte condamné par l’Église à une représentation péjorative des femmes soutenue par le système juridique. Alors que la justice avait été mise en place pour rendre la société plus égalitaire et amorcer une sorte de démocratie, on est plutôt témoin de l’inverse: la loi a rendu la femme obéissante et inférieure (fondamentalement).
Il y a là une connexion à faire avec le droit de vote et d’éligibilité qu’ont obtenu les femmes en 1916. Ce droit leur avait auparavant été refusé car l’homme craignait la perte de son pouvoir et de son autorité non seulement au sein du foyer mais dans la société en général. Les hommes occupaient aussi la majorité ou même la totalité des profession dans les domaines politiques et juridiques, à l’époque. On peut donc dire que le Droit comme tel et l’autorité (masculine) effectuaient une oppression sur les femmes et empêchaient leur ascension sociale en refusant de leur accorder le moindre droit.