RÉSUMÉ:
« UNE VICTIME DES MODERNES ET NON DES ANCIENS »: Avant de devenir un stimulant pour l’imagination, le mot « sorcière » avait été la pire marque d’infamie, l’imputation mensongère qui avait valu la torture et la mort à des dizaines de milliers de femmes au cours de procès qui reposaient sur des accusations extravagantes. Aujourd’hui, on se représente la sorcière simplement comme un costume d’Halloween, une vieille femme au nez crochu qui vole dans la nuit sur son balais. Les chasses aux sorcières ont anéantis des familles entières, ont fait régner la terreur, et ont réprimé certains comportements et certaines pratiques désormais considérés comme intolérables. Même quand nous acceptons la réalité de cet épisode de l’histoire, nous trouvons des moyens de le tenir à distance. Ainsi, on fait souvent l’erreur de le situer loin de nous au Moyen Âge, alors que les grandes chasses se sont déroulées à la Renaissance (elles ont commencé vers 1400 et pris de l’ampleur surtout à partir de 1560). C’est parce que les chasses aux sorcières nous parlent de notre monde que nous choisissons de ne pas les regarder en face. S’y risquer, c’est se confronter au visage le plus désespérant de l’humanité: l’entêtement des sociétés à désigner un auteur à leurs malheurs, et à tomber dans l’irrationalité, en justifiant la violence physique par l’accumulation des discours de haine et l’hostilité obsessionnelle.

ÉLIMINER LES TÊTES FÉMININES QUI DÉPASSENT: La sorcellerie était un crime de femmes. Faibles de corps et d’esprit, animées par un insatiable désir de luxe, elles sont censées faire des proies faciles pour le Diable. Dans les procès, elles ont représenté en moyenne 80 % des accusés et 85 % des condamnés. Ces femmes n’ont pas eu droit de témoigner pour se défendre, ont été brûlées par milliers et plusieurs de leurs lignées entières ont été éliminées. Dans leur grande majorité, les victimes appartenaient aux classes populaires et se retrouvaient aux mains d’institutions entièrement masculines : interrogateurs, prêtres ou pasteurs, tortionnaires, gardiens, juges, bourreaux. Les hommes de leur famille prenaient rarement leur défense, quand ils ne se joignaient pas aux accusateurs. Certaines accusées étaient à la fois des magiciennes et des guérisseuses. Elles avaient toujours été des membres respectés de la communauté, jusqu’à ce qu’on assimile leurs activités à des agissements diaboliques. Plus largement, toute tête féminine qui dépassait pouvait susciter des vocations de chasseur de sorcières tel que le fait d’avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre. Dans une logique familière aux femmes, chaque comportement et son contraire pouvaient se retourner contre vous. Avoir un corps de femme pouvait suffire à faire de vous une suspecte. N’importe quelle tache, cicatrice ou irrégularité pouvait faire office de preuve de la marque du Diable. Aussi, les chasseurs de sorcières se montrent à la fois obsédés et terrifiés par la sexualité féminine (forme phallique du balai qu’elles chevauchent, liberté sexuelle). Le sabbat est vu comme le lieu d’une sexualité débridée, hors de contrôle. Les tortionnaires et les gardiens jouissent de la domination absolue qu’ils exercent sur les prisonnières; ils peuvent donner libre cours à leur voyeurisme et à leur sadisme sexuel (viols).

UNE VIE À SOI. LE FLÉAU DE L’INDÉPENDANCE FÉMININE: Gloria Steinem (née en 1934) est une journaliste devenue très active dans la défense des droits des femmes au début des années 1970. Jusqu’à la fin des années 1960, le féminisme américain était dominé par la critique de l’idéal de la femme au foyer. La critique du mariage en tant que tel n’est apparue dans le mouvement que grâce à la naissance du combat pour les droits des homosexuels et à la plus grande visibilité des lesbiennes. Gloria Steinem est la première féministe à affirmé qu’il était « enfin possible d’être à la fois célibataire et entière ».

LE DÉSIR DE LA STÉRILITÉ. LE DERNIER BASTION DE LA « NATURE »: La procréation chez les couples hétérosexuels (la maternité) est le dernier domaine où l’argument de la « nature » règne en maître. Dans les milieux progressistes, alors que plus personne n’irait expliquer aux gays et aux lesbiennes que leurs pratiques sexuelles sont problématiques, dès qu’il s’agit de femmes et de bébés, tout le monde évoque « la nature », témoignant d’un déterminisme biologique étroit. Le fait d’avoir un utérus justifie, pour plusieurs, le devoir des femmes de désirer et d’avoir des enfants. Les femmes se voient aussi dans l’obligation « naturelle » non seulement de changer les couches après la naissance et de prendre les rendez-vous chez le pédiatre, mais aussi de laver le sol de la cuisine, de faire les lessives et de penser à racheter du papier hygiénique. Cela s’appelle l’« instinct maternel ». Les femmes sont victimes de ce stéréotype imposé par la « Nature » et la biologie. Elles sont sous l’emprise de la procréation et de la maternité qui viendraient avec le fait de posséder un utérus.

L’IVRESSE DES CIMES. TOUJOURS DÉJÀ VIEILLES: La question de l’âge de la femme est très présente dans le féminisme. Un sentiment d’obsolescence programmée, une hantise de la péremption marque justement toute l’existence des femmes, mais très peu celle des hommes. Pour une bonne part, cette peur de la vieillesse chez les femmes concerne leur capacité à enfanter, qui paraît justifiée par des données biologiques : de plus grandes difficultés à tomber enceinte après trente-cinq ans, de plus grands risques de malformation de l’enfant après quarante ans. Et les médecins soutiennent ce discours avec un alarmisme excessif qui ne fait qu’empirer la peur. Pourtant, l’âge de fertilité chez les hommes ne semble pas les préoccuper. Or leur fertilité à eux aussi décline avec le temps : elle est à son maximum à 30-40 ans, puis elle diminue peu à peu et, à 55-59 ans, elle est deux fois plus faible. Le délai de conception et même le risque de fausse couche, d’anomalie chromosomique ou de maladie génétique du fœtus augmentent avec l’âge du père. Ne se préoccuper que de l’âge de la mère revient à renforcer un modèle où la part éprouvante des soins et de l’éducation repose uniquement sur elle.

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