RÉSUMÉ: C’est l’Église qui prend la décision de condamner une majorité de femmes accusées de sorcellerie. L’Église contrôle justement l’ensemble de la vie civile, les relations entre les sexes, le comportement des femmes en particulier, et leur corps si enclin à la tentation. Mais l’État aussi joue un rôle important dans le procès de ces femmes, afin d’affirmer sa souveraineté et de diminuer leur pouvoir. La population, et surtout les hommes, craint la place grandissante des femmes dans l’espace social tout au long du Moyen Âge (émancipation complète du sexe faible et sa prise de pouvoir).
Avant, l’église chrétienne prônait beaucoup plus l’égalité des sexes, notamment avec le mariage et ses notions de consentement, de fidélité entre époux et de procréation, qui assurent un certain respect mutuel.
Mais, au tournant du XVIe siècle, l’idée de domination de toutes les femmes par le sexe fort prend le dessus, au travers de la théorie d’une souveraineté pensée et exercée au masculin, dans le privé comme au niveau strictement politique. Se mêle à cela la croyance que toute femme entretient une alliance charnelle avec le Diable.
Puis, les hommes se mettent à étudier les sciences plus profondément pour ainsi devenir « maître et possesseur de la nature ». Ils vont ainsi établir qu’un homme est un être humain; alors qu’une femme n’est pas un homme; donc une femme n’appartient pas à l’humanité, donc ressort de cette nature à maîtriser. Ces assertions misogynes, mêlées aux croyances des démonologues, renforcent l’idée que toute femme doit être mise à mort ou entièrement dominée. Aux femmes on attribut des agissements aléatoires, irrationnels et inconstants, qui justifieraient le droit que possède les hommes de les battre afin de corriger ces actions. Au sein de la famille, l’homme est aussi le « chef de la demeure » et détient la principale puissance. Cette faiblesse naturelle interdit donc à la femme l’accès au pouvoir politique; on l’écarte du pouvoir politique au motif qu’elle n’a pas le pouvoir domestique. La souveraineté de l’homme devient telle qu’il détient le « pouvoir absolu » au sein de son foyer. Le pouvoir du chef de famille, confirmé par l’histoire et la nature, est lui-même intemporel, non sujet à remise en question, puisque la souveraineté est un concept qui ne peut s’éteindre.
De la croyance que la femme est tentatrice et se caractérise par sa lubricité, les hommes viennent à la conclusion qu’une femme au pouvoir est donc peu différente d’une sorcière: elle est semblable à celles qui, ayant reçu des pouvoirs du Diable, les exercent toujours pour faire le Mal.
Puis, en 1804, le code civil impose l’incapacité sociale de la femme, qui place l’épouse sous « tutelle » avec « obéissance » au mari et témoigne de la dégradation progressive du statut de la femme depuis la fin du Moyen-Âge. La grande hantise des hommes reste la liberté des femmes : il ne s’agit plus de brûler une bonne part de celles-ci comme au temps des sorcières, mais la loi, dès lors que l’État est en mesure, au nom de sa souveraineté, de la promulguer et de la faire appliquer, est un moyen qui permet de brider l’autonomie de toutes les femmes.

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