« Give a couple crowns to the women who had bore us
Taught us focus, love and support us
Magical, umbilical my universe is radical
Introduce the nation to embracing what is factual
Feminine energy almost mathematical
You can’t really sum up what is infinite and valuable
Feminine energy, balance up the indestructible
In the vaginal, Heaven in thine »
-Sampa The Great
Condition à caractère institutionnel:
Je ne pourrais pas affirmer avec certitude ma compréhension de la fonction des institutions de sorcellerie auxquelles nous avons accès actuellement. Je ne crois pas que celles-ci soient foncièrement bonnes ou mauvaises. J’aurais tendance à vouloir dire qu’une certaine réappropriation d’une culture/d’un mouvement profondément meurtri.e peut, dans quelques cas, redonner de la force aux victimes en question. Un.e victime d’agression.s sexuelle.s peut se réapproprier le traumatisme qu’iel a vécu en racontant son histoire. Une personne appartenant à la communauté LGBTQ+ peut se réapproprier le terme queer alors que ce mot se voulait insultant. La liste est longue. Parfois, certains gestes symboliques peuvent aider. En suivant cette piste, je me dis qu’il est possible que la popularisation d’une culture autrefois hautement désapprouvée peut avoir une douce signification. Une sorte de victoire, peut-être. J’ai toutefois l’impression qu’on oublie d’où nous vient cette sorcellerie et de qui elle nous vient. Il ne faut pas oublier les martyres. Iels ont rendu cette fascination accessible. On oublie trop souvent le passé, les causes, l’essence de ce qui nous entoure.
Sur le texte d’Armelle Le Bras-Choppard
Il devient clair que l’instrumentalisation de l’image de la sorcière s’est fait de sorte à pouvoir justifier le meurtre d’un grand nombre de femmes en appuyant le système misogyne et masculiniste. La fabrication d’un « sujet obéissant » s’est opérée de manière à ce que les femmes du Moyen-Âge restent silencieuses, au bas de la hiérarchie du genre; il n’est absolument pas faux d’affirmer que la chasse aux sorcières avait des fondements politiques. La peur comme arme. La déshumanisation de la femme a rendu possible, d’un point de vue morale, l’assujettissement et la réprimande violente. Le diable devient figure lointaine quelque peu fantasmagorique alors que la femme est toujours là dans le champ de vision affolé des gens qui cherchent à s’expliquer les maux du monde. Il est bien facile de pointer du doigt aléatoirement si celleux qui nous entourent ont été dénudé.e.s de leur humanité et de leurs ressemblances à nous. Ce principe est évidemment toujours applicable aux situations de marginalisation de notre époque.
Sur le texte de Silvia Federici
L’analyse du croisement de la théorie capitaliste et de la chasse aux sorcières est d’une richesse incalculable. L’exacerbation des exemples de la mauvaise sexualité auxquels les sorcières ont été rattachées témoigne du point de vue étatique et religieux en ce qui a trait à la sexualité féminine. Le non-conformisme sexuel des femmes à cette époque était vu comme étant assez dommageable pour justifier la torture et le meurtre; le contrôle du corps féminin devait être complété à tout prix. Peu importe les causes données à l’intérêt de la sorcellerie pour les femmes, les conséquences restaient les mêmes : la démonisation de la femme était amplifiée et l’idée qu’elle était viscéralement malveillante était confortée. La marginalisation des sages-femmes exprime d’une façon extrêmement claire la défiance que ressentait la société de l’époque; par les femmes pour les femmes était source de conspiration, et les sages-femmes, au cœur de la reproduction féminine si mystérieuse empêchait le contrôle patriarcal du corps des femmes. Ces femmes n’étaient d’ailleurs pas les seules à être persécutées : celles ne se conformant pas à la sexualité attendue étaient tout autant soupçonnées et, par le fait même, les femmes des classes inférieures ont été durement persécutées. La chasse aux sorcières signifiait la destruction du pouvoir social des femmes.
Rationalisation capitaliste de la sexualité
La thèse de Federici sur la rationalisation capitaliste de la sexualité est à mes yeux d’autant plus enrichissante lorsqu’elle est mise en juxtaposition avec la rationalisation capitaliste du féminisme. La capitalisation de sujets qui, à la base, se doivent d’être intersectionnels et ne doivent en aucun cas être touchés par une hiérarchisation dénaturalise l’essence même du féminisme et de la sexualité. En ce qui a trait à la sexualité, la thèse établie par Silvia Federici est extrêmement pertinente quant à l’explication de la destruction du pouvoir social des femmes dans le but de renforcer le système patriarcal et d’assurer la suprématie masculine dans le contrôle du corps féminin. En ce sens, j’établis un lien entre l’instrumentalisation de la sexualité des femmes comme outil de marginalisation et la capitalisation du féminisme : « Complices actives de l’ordre capitaliste racial, les féministes civilisationnelles n’hésitent pas à apporter leur soutien à des politiques d’intervention impérialistes, à des politiques islamophobes ou encore négrophobes » (Vergès, 2019, p. 22)*. L’avènement du capitalisme dans les mouvements sociaux pourrit leur signification première; l’assujettissement est nécessaire à la hiérarchisation, ce qui fait en sorte qu’aucun sujet n’est réellement inclusif et universel tant et aussi longtemps que l’influence du capitalisme est présente.
* Vergès, F. (2019). Un féminisme décolonial. Paris : La Fabrique
Condition anthropologique
L’association de la femme au péché ou à la tentation date de bien avant le Moyen-Âge. La puissance des superstitions dans l’imaginaire collectif a fait en sorte que l’on a pu attribué librement le Mal à la figure de la femme non docile, marginalisée, non conforme. La déshumanisation des groupes marginaux est un long processus, mais lorsqu’il est enclenché, il est difficile de revenir à l’arrière. Le concept des « single stories » (merveilleusement décrit ici :https://www.ted.com/talks/chimamanda_ngozi_adichie_the_danger_of_a_single_story) est, à mes yeux, extrêmement pertinent dans l’explication de la marginalisation des groupes et l’impossibilité de ceux-ci à se sortir du joug de la discrimination ainsi qu’à la compréhension des conséquences du « god complex » dont souffre les victorieux de l’Histoire. La transformation de la femme en créature hérétique, foudroyante, maléfique, enfin, intrinsèquement mauvaise permet à la société occidentale de se donner le droit de persécuter les personnes incarnant cette image brûlée dans notre imaginaire. La peur justifie la majeure partie de nos réactions à l’égard des autres et peut servir d’explication à laquelle on apporte une grande valeur lorsqu’il est question de se défendre. Si on lie la terreur à la femme, il est moins complexe de justifier sa persécution.