« Les femmes ont une intelligence inférieure, et sont facilement bernées par le démon. Des êtres si faibles ne peuvent pas résister à la tentation, mais sauront très bien manipuler les forces démoniaques et forniquer avec le diable! » – Malleus Maleficarum

     Cette année, en décembre, s’annonce le trente-cinquième anniversaire de la tristement célèbre tuerie survenue à l’École Polytechnique de Montréal. Cette journée du 6 décembre 1989 où quatorze femmes perdirent la vie face à un tueur fou qui basait ses actions sur des principes incels et misogynes. Suite à un tel événement tragique et bouleversant, le monde a pu clairement comprendre la vraie définition du féminicide. Féminicide, voilà un mot crée assez récemment dans le but de traduire une motivation intentionnelle au meurtre des individus de la gente féminine. Cependant, la violence ciblée sur les femmes ne date certainement pas d’hier. L’une des traces de violence faite aux femmes la plus importante serait sans doute la période de Chasse aux sorcières entre le Moyen-Âge tardive et la Renaissance. Pourquoi, suite à une évolution de plus de cinq siècles, est-ce que la violence ciblée envers les femmes reste présente au sein de notre civilisation? Comment cette violence a-t-elle évolué?

     L’égalité de genre est un principe de base de nos sociétés modernes et j’en suis ravie. « Ce monde nouveau où les femmes n’ont plus peur de se faire discriminée au travail, ce monde où les femmes sont aussi fortes que les hommes, ce monde où les femmes sont plus libres que jamais et où chacune d’entre elles est bénéficiaire d’un respect incontestable! » Ou du moins, c’est ce que j’ai cru entendre et comprendre. Mes cours d’histoire au secondaire illustraient l’amélioration des conditions de vie des femmes jusqu’à atteindre une utopie: notre société actuelle. Évidemment, étant le jeune adolescent que j’étais, je ne pouvais réfuter ces informations. Néanmoins, en grandissant et en examinant de plus près les recoins sombres de notre société, je peux ainsi déclarer (avec conviction) qu’il n’y a absolument aucune égalité entre hommes et femmes. « Ce monde nouveau où les femmes n’ont plus peur de se faire discriminée au travail! » Les femmes gagnent en moyenne vingt-et-un pourcent de moins que les hommes selon Le Devoir en juin 2023. « Ce monde où les femmes sont aussi fortes que les hommes! » Soixante-quinze pourcent des femmes ont déjà été victimes de violence conjugale selon Statistique Québec en novembre 2023. « Ce monde où les femmes sont plus libres que jamais et où chacune d’entre elles est bénéficiaire d’un respect incontestable! » Le nombre de témoignages de violence, de viols, d’agressions, de répression, de discrimination ciblée envers des femmes est simplement effroyable. C’est complètement dingue! Tout ce dont nous nous sommes fait enseigné ou raconté peut être réfuté avec des chiffres et des témoignages trouvés sur Internet suite à quelques secondes de recherche. Alors, pourquoi le plus grand facteur de discrimination est le genre d’une personne? Pourquoi est-ce que si tu es une femme, tu es automatique plus susceptible de vivre une quelconque forme de discrimination?

   Aux alentours du XVIe siècle, en pleine période d’inquisition, l’Église catholique tentait une éradication des croyances païennes pour y imposer une idéologie de dieu unique. Ainsi, dans le but d’instaurer une idéologie nouvelle à toute la population européenne et américaine contrôlée par le catholicisme, l’Église prend la décision de punir tout ce qui se rapproche de près ou de loin à une pratique religieuse antérieure. Pour s’assurer que ses disciples respectent cette évolution idéologique, l’Église catholique taxe toutes pratiques qui s’opposent au valeur catholique de magie noire (où la magie noire représentait toutes pratiques relative au diable, à l’enfer, au démon, …). Et ça avait très bien marché, les fidèles croyaient fortement à cette façon de penser et étaient profondément terrorisés par ces individus (majoritairement féminins) qui pratiquaient la magie noire, aussi connues comme étant des sorcières. Ainsi, quiconque qui était légèrement louche était susceptible d’être condamné pour sorcellerie. En l’occurrence, nous connaissons certainement tous l’histoire des sorcières de Salem Town: cette année de 1692 durant laquelle la crise de deux jeunes filles entraînera une hystérie collective où vingt-cinq accusés seront condamnés à mort sur une période de six mois. Si les mathématiques sont de votre force, vous réaliserez que cela fait plus ou moins une mise à mort par semaine. Une condamnation qui affecte principalement les femmes comme le prouve l’exergue de l’enquête (issue d’un ouvrage servant de guide à la chasse au sorcières ainsi qu’à l’identification de celle-ci). Par conséquent, l’inquisition exercée par l’Église catholique entraînera un exemple très clair de haine ciblée contre les femmes; il s’agit tout simplement d’un féminicide.

     De nos jours, la perspective par rapport aux femmes a évidemment changé, mais la haine ciblée envers celle-ci est encore d’actualité. Elle est davantage connue sous la définition de misogynie ou d’incel. Aujourd’hui, le mot incel possède une connotation extrémiste représentant (souvent) des jeunes hommes ayant une profonde haine envers les femmes prétendant qu’elles sont à l’origine du taux de célibat masculin élevé. Ils pensent que les femmes sont moins intelligentes, manipulatrices et obsédés par le sexe et les relations sexuelles. Ces hommes déshumanisent complètement les femmes sous des idées extrémistes, toxiques et surtout misogynes. Dans les cas les plus intenses, certains vont jusqu’à commettre des crimes: l’un des exemples de crime incel extrémiste le plus connu au Québec est sans doute la tuerie de l’École Polytechnique durant laquelle Marc Lépine ouvrit le feu sur plusieurs femmes (bilan du crime: quatorze morts et quatorze autres blessés). Cependant, à la base, le mot incel n’a jamais inclus ces connotations extrémistes; il s’agissait simplement d’un mot qui définit les célibataires involontaires. D’ailleurs, évidemment qu’il serait faux de dire que tous les incels sont des extrémistes, au contraire, la très grande majorité d’entre eux sont simplement membre de groupes de discussion où ils partagent leurs ressentis face à la vie de célibataire. Certes, des discussions qui portent sur des sujets principalement misogynes, mais qui ne vont jamais plus loin. 

     Dans ce cas, pourquoi prends-je mon temps à analyser la communauté des incels? Les féminicides les plus importants et les plus tristement célèbres de nos jours sont pratiquement tous causés par des hommes se rapportant à cette communauté en question. Ainsi, de nos jours, ceux-ci ont un lien direct avec la présence de crimes haineux contre les femmes. Durant la période d’inquisition de l’Église catholique, la femme était considérée comme étant « une être inférieure, pécheresse, faible et dotée d’une petite intelligence »; elle est donc plus susceptible à se rapporter à la sorcellerie. Ainsi, toutes femmes étaient potentiellement en pacte avec le diable, toutes femmes méritaient de mourir. Chaque disciple au sein de la communauté catholique était voué à ces idées misogynes. Voyez-vous où est-ce que je veux en venir? En prenant un peu de recul, je réalise que les causes des féminicides d’autrefois et celles d’aujourd’hui sont très similaires. Dans les deux cas, c’est une communauté extrêmement importante qui leur dicte des valeurs et des idéologies misogynes. Dans les deux cas, les gens qui font partie de cette communauté se font profondément influencer jusqu’au point de ne plus être en lien avec la réalité. Dans les deux cas, malheureusement, tellement de femmes ont souffert des conséquences de la désillusion de certains hommes. Alors voilà, près de six siècles d’évolution et les mêmes idéologies misogynes sont encore les fondements des féminicides d’aujourd’hui.

    Cependant, serait-il possible d’éradiquer les crimes haineux? Serait-il possible de vivre dans une société comme l’avait illustrée mon cours d’histoire en troisième année du secondaire? Après tout, ces hommes incels restent des humains. Des humains certes mentalement instable et fragile, mais avec de une aide adéquate, on pourrait les « reconnectés » à la réalité et à la société moderne. Il existe une panoplie de témoignages d’hommes qui était auparavant membre de la communauté incel qui sont aujourd’hui sortis de toute cette misogynie. Mon point n’est absolument pas de donner raison aux tueurs de masse tels que Marc Lépine qui sont à l’origine des féminicides les plus intenses que le monde n’a jamais connus. J’essaye simplement de faire comprendre que ces hommes, soumis à un lavage de cerveau par des idéologies misogynes et extrémistes sont, pour la plupart, dans ces circonstances contre leur gré… Les incels ont tous un profil assez similaire: célibataire de longue date, relation familiale difficile, phases de déprime, rejetée par la société,… Et ils ont pu trouver refuge au sein d’une communauté, malheureusement, radicale et malsaine. Encore une fois, mon point n’est pas du tout d’innocenter la misogynie et les féminicides. Par contre, je pense fortement que ces hommes incels sont, en quelque sorte, également des victimes: victimes d’une réjection sociale ou d’un manque affectif, victimes d’un lavage de cerveau contre leur gré, victimes d’une santé mentale et émotionnelle extrêmement fragile. Pour conclure, j’aurais tendance à dire que ceux qui ont causé des féminicides sont indéniables des personnes profondément horribles et exécrables, mais qu’avant leurs crimes, ceux-ci étaient en quelque sorte des victimes de désillusions. Une conclusion basée sur la pièce de théâtre Projet Polytechnique parue en 2023 écrite par Marie-Joanne Boucher et Jean-Marc Dalphond.

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