« Être une sorcière moderne, c’est se battre pour ce qui est juste, ce qui résonne, et utiliser les outils que l’on veut : applications de tarot, mais aussi un bon vieux grimoire relié à la main, Tumblr, Instagram, des vieux livres, des plantes, ramasser des cailloux. » 3
Sorcière, mage ou vampire, tous proviennent des légendes et mythes, la superstition accordée à chacun. Cependant, si un mage est plutôt vu d’un œil mélioratif, comment la sorcière est-elle devenue à part entière un être malfaisant ? Comment la femme s’est-elle retrouvée victime de ce mythe et soumises aux horreurs de l’Inquisition ? En quoi plusieurs siècles de l’Histoire définissent-ils la femme moderne ? Malgré son passé trouble, arrive-t-elle à en bénéficier d’une quelconque façon à ce jour ?
1-Qu’est-ce qu’une sorcière ?
De Circée à Médée, une différence primordiale entre en jeu. Toutes deux magiciennes issues de la mythologie grecque, à l’une est confié le rôle enchanteur et libérateur, tandis que l’autre assume le rôle foudroyant et maléfique de l’enchantement. Cet amalgame sera donc fortement utilisé pour l’inspiration du mythe de la sorcière.
D’un point de vue anthropologique, la sorcière aurait jaillit dans les bas-fonds de notre imaginaire. Nous interprétons constamment notre réalité ; nous la façonnons pour l’adapter, la représenter selon notre vécu, nos expériences, notre culture. Ainsi, cette texture ajoutée par chacun amplifie l’idée initiale, dont chacun réinterprète de nouveau. Cette boucle est accentuée par la procréation, par la succession des connaissances, par l’éducation des plus jeunes qui, à leur tour, contribue à l’imaginaire collectif. En fait, tout se joue dans le fond commun, où les idées de tous fusionnent et forment un mythe, désormais inscrit dans l’imaginaire collectif.
Avec le temps, le personnage se structure. Il portera plusieurs visages, plusieurs noms. Avec le temps, on lui associe une image réductrice, destinée à enseigner le droit chemin (ne fait pas comme elle, tu veux aller au paradis…). Ainsi, l’ensemble contribue à l’image du diable une fonction précise, jusqu’à ce que les deux soient indissociables pour servir un but précis : effrayer pour inciter au bien et éviter l’enfer.
Ainsi, dans la croyance naïve de l’humain et dans son rapport intime avec le surnaturel naît le personnage mythique et dévastateur de la sorcière.

2-Associer la sorcière à la femme : les conséquences
Considérée comme la source du pécher originel, la femme est le bouc émissaire de l’homme depuis si longtemps. La femme détenait pourtant une certaine autonomie jusqu’au Moyen Âge, pourquoi ce changement soudain ? Pourquoi y’a-t-il une violence accrue envers les femmes ?
Une des raisons pouvant expliquer le changement est entre autres la querelle pour le pouvoir, précisément son transfert d’une structure à une autre. Je pense principalement à la division Église – État moderne. L’institution céleste tente de contrôler la population et la dominer, en opposition à l’institution terrestre. Ainsi, avec l’avènement de ce dernier dans la séparation du pouvoir, les gouvernements ont commencé à utiliser le Pater familias, où le père est la figure autoritaire de la famille. C’est un modèle qui fut conserver pendant des siècles, un modèle fondateur non seulement de l’inégalité entre les genres, mais aussi de la supériorité masculine auto-édictée.
L’émergence de la lutte de pouvoir entre hommes et femmes débutent donc avec le Pater familias.
La superstition devient constante, elle gouverne désormais les sociétés. La crainte du surnaturel est partout : le moindre comportement suspect évoque méfiance et suspicion. De façon générale, les accusations de sorcellerie proviennent de suspicions infondées. Ce qui rajoute de l’huile sur ce feu superstitieux, c’est tout ce qui englobe l’incompréhensible, puisque l’on tente de trouver une explication au travers du surnaturel. Comme le dit si bien Collette Arnould : « Une mort imprévue, par exemple, est aussitôt associée à un maléfice tandis que de là dérivent toutes les croyances concernant la possibilité d’une vengeance posthume. On établit un rapport de causalité entre un phénomène anormal (tempête, orage) ayant des conséquences importantes et l’arrivée de quelqu’un de nouveau, comme on peut aussi accuser celui qui échappe à quelque malheur collectif. » Ainsi, toute cette histoire de sorcellerie repose sur de fausses accusations, évoquant un redoutable mélange de superstition et complot (un tel a maudit un autre par vengeance, par exemple).
« Mais, lorsqu’un discours officiel vient apporter la caution de son autorité à ces mêmes comportements, soudain tout s’inscrit dans une logique irréfutable. » 1
Condamner moralement la sorcellerie c’est une chose, mais la condamner juridiquement en est une autre. En définissant le crime de sorcellerie, la chose est devenue une réalité, ne faisant ainsi plus de place au doute : la sorcellerie existe, une loi écrite nous le prouve…
Comment la femme s’est-elle retrouvée ainsi mêlée à tout cela ? Tout ce qui défiait l’autorité de l’époque, donc le caractère hérétique de certains, était condamnable moralement et propice aux suspicions. Ainsi, toute femme désirant l’autonomie, donc qui refusait le Pater familias, se voyait considérée comme hérétique. En bref, poussée par la superstition de l’époque et la méfiance, cette chasse aux autonomes devint tranquillement une chasse aux hérétiques, une chasse aux sorcières.

« En associant hérésie et sorcellerie, on disposait d’un moyen infaillible pour condamner. En y associant la femme, un nouveau crime se constituait et l’hérésie des sorcières devenait une réalité. Désormais il faudrait y croire sous peine d’être considéré à son tour comme hérétique. » 1
3- La femme moderne
Nous ne brûlons plus personne sur le bûcher, mais la femme n’est pour autant toujours pas égale à 100% à l’homme, d’où la montée en popularité du féminisme. Mais notre sorcière bouc émissaire, Qu’est-elle devenue ? Comment qualifie-t-on une femme de sorcière moderne ?
Petite parenthèse : la simple recherche des mots clés sorcier et sorcière donne de bien différents résultats. Le terme masculin aura un caractère généralement mélioratif – on pense entre autres au célèbre Harry Potter. Pourtant, son homologue féminin aura une tendance péjorative…de quoi s’indigner ! (C’est une simple remarque, mais cela dévoile tout de même les valeurs intrinsèques de nos sociétés)

De nos jours, une banalisation importante de la sorcière (donc de la femme) se fait ressentir ; on a tendance à oublier les horreurs de l’Inquisition. Pourtant, la figure de la sorcière coïncide parfaitement avec la tentative d’assujettissement de la femme actuelle. Certaines tenteront toutefois de contrer cette inégalité, d’obtenir une équité entre les sexes. Plusieurs méthodes sont employées, mais la plus commune consiste à appartenir à des mouvements féministes, puisque les regroupements sont plus entendus que toutes les voix seules. Ceux-ci revendiquent surtout le droit des femmes, l’égalité de celles-ci et des conditions sociétales égales à celles des hommes. Certains s’inspirent d’ailleurs de la chasse aux sorcières, comme le groupe américain (revendiquant la liberté des femmes) W.I.T.C.H. (Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell).
Nous remarquons aussi une inspiration provenant de certaines cultures matriarcales. Par exemple, chez les Na (établies en Chine), la réalité est tout autre. Lors d’un mariage, c’est l’homme qui ira rejoindre la famille de la femme, c’est lui qui s’occupera des enfants.
Il y a un juste milieu dans chaque acte. Il faut faire attention de ne pas tomber dans l’extrémisme, ce qui est facile aujourd’hui. Il faut chercher à rétablir un ordre, il ne faut pas essayer de compenser pour les erreurs passées, ce que certains utilisent pour justifier leurs actes. Ainsi, attention pour ne pas tomber dans les pièges du sur-féminisme. Les mouvements d’extrême gauche auront la fâcheuse tendance à faire valoir leurs points en attisant le feu, donc en aggravant une situation déjà préoccupante. Il ne faut donc pas chercher à compenser les persécutions de l’Inquisition, mais bien à apprendre de nos erreurs passées pour construire un futur consciencieux et juste.
Sources :
1 http://www.philo-cvm.ca/?page_id=34
2 https://www.madmoizelle.com/societes-matriarcales-monde-286441