CHASSE AUX SORCIÈRES : AVORTEMENT
« Si les hommes pouvaient attendre un enfant, l’avortement serait un sacrement. »
Florence Kennedy

DÉFINITION NATIONAL GEOGRAPHIC
« Les sorcières devinrent un bouc émissaire facile pour de nombreux papes, notamment Innocent VIII au 15e siècle, dont les inquisiteurs ciblaient principalement les femmes, l’Église estimant qu’Ève était à l’origine de l’existence même du péché dans le jardin d’Éden. Les autorités mobilisaient les citoyens pour débusquer les coupables. Les accusations de sorcellerie découlaient d’événements banals tels que de petites disputes ou des griefs. La torture, pour obtenir des aveux, venait ensuite. Une fois la volonté de la victime brisée par le bourreau, les autorités la forçaient à en nommer d’autres, puis les faisaient pendre ou brûler sur le bûcher. » https://www.nationalgeographic.fr/histoire/au-fil-des-siecles-la-chasse-aux-sorcieres-a-fait-des-milliers-de-victimes
MANIPULATION DES FEMMES DANS LE PASSÉ
Au Moyen Âge, les femmes étaient des cibles faciles, considérées comme porteuses du péché originel, à cause du rôle d’Ève dans la chute de l’humanité. Les autorités accusaient les femmes de sorcellerie pour des événements aussi banals qu’une querelle de voisinage. Une fois accusées, elles étaient torturées jusqu’à avouer, et la chaîne de dénonciation commençait: une femme brisée devait nommer d’autres « sorcières ». Finalement, elles étaient brûlées ou pendues. C’était un moyen non seulement de réprimer les femmes, mais aussi de contrôler la société à travers la terreur.
LE MYTHE DU PACTE AVEC LE DIABLE – LES AVORTEUSES AU MOYEN ÂGE
Le Moyen-Âge fut marqué par une maladie très grave qui causa de nombreux morts : la peste noire. À la fin de celle-ci, la société croyait que Dieu les avait sauvés et qu’il fallait donc avoir des bébés en abondance pour le remercier. C’est pour cela que lorsqu’une femme se faisait avorter, cette dernière et les personnes lui ayant porté aide sont alors perçues comme défiant ce souhait divin, accusées d’avoir fait un pacte avec le diable et d’avoir été envoyé par ce dernier pour causer du mal dans la société. Les femmes étaient alors étiquetées comme « sorcière », les comparant à des monstres maléfiques. Elles étaient jugées et condamnées par des tribunaux locaux mais travaillant avec l’Église, souvent exécutées sur le bûcher. Aujourd’hui, ce discours se reflète dans celui des mouvements « pro-vie », qui utilisent des arguments religieux pour justifier leur position.

LA CHASSE AUX MÉDECINS – EXÉCUTION MODERNE
Tout comme les sorcières de l’époque, les médecins actuels qui pratiquent des avortements risquent de perdre leur licence ou d’être incarcérés, une sorte d’exécution moderne. En effet, quoique la société moderne ait évolué en arrêtant d’exécuter les « avorteurs », ceux-ci font encore face à des conséquences importantes. Cette répression instaure un climat de méfiance, où toute personne liée à une grossesse interrompue devient suspecte, tout comme à l’époque où une simple fausse couche pouvait déclencher une chasse aux sorcières. Ce parallèle se retrouve spécialement dans des États comme le Texas, où la dénonciation est encouragée et récompensée. En effet, l’État a tourné ses citoyens en chasseurs de prime : ils peuvent poursuivre une clinique ou n’importe qui ayant aidé une femme à se faire avorter pour un total de 10 000$.

SITUATION AU ÉTATS-UNIS (EXEMPLE DU TEXAS)
Au Texas, comme dans d’autres États américains, une loi extrêmement restrictive a été instaurée après l’annulation de Roe v. Wade. Cette loi interdit les avortements dès la sixième semaine et permet à tout citoyen de poursuivre médecins, prestataires de soins, compagnies d’assurance, chauffeur de taxi, ou toute autre personne soupçonnée d’avoir aidé une femme à obtenir un avortement. Ce phénomène rappelle l’époque de l’Inquisition, où les sage-femmes pratiquant l’avortement étaient perçues comme des sorcières, et les autorités lançaient une chasse contre elles. La comparaison entre les deux périodes met en lumière un climat de répression généralisée et répétitif.
UN PAS EN AVANT, 3 EN ARRIÈRE
Les années 1960 et 1970 ont marqué un tournant dans les droits des femmes aux États-Unis. En 1973, la Cour suprême a statué en faveur du droit des femmes à l’avortement dans l’affaire Roe v. Wade, affirmant que le droit à la vie privée permettait aux femmes de choisir de poursuivre ou non une grossesse. Ce droit a été réaffirmé en 1992 dans l’affaire Planned Parenthood v. Casey. Pourtant, malgré cette modernité juridique, le discours religieux continue de justifier l’ingérence étatique dans les décisions corporelles des femmes.

SITUATION EN POLOGNE
Le Human Rights Watch a déclaré en juillet passé que le gouvernement polonais cible des personnes pour des activités présumées liées à l’avortement, intensifiant ainsi un climat de peur qui accroît les risques pour les femmes et les filles. Les actions du gouvernement menacent le droit à la vie privée, à l’autonomie et à la santé des individus, entre autres. La faute est mise sur la femme : « les autorités vous traqueront, vous harcèleront et essaieront de vous humilier quoi qu’il arrive ».
SEULEMENT RAISON RELIGIEUSE?
Au-delà du pacte avec le diable, d’autres raisons motivaient la répression de l’avortement. À la fin du XIXe siècle, les conservateurs s’inquiétaient de la baisse du taux de natalité des protestants blancs par rapport à celui des minorités ethniques. Horatio Robinson Storer, un médecin, a lancé une campagne pour criminaliser l’avortement afin de « forcer » les protestants blancs à compenser cette croissance démographique. Cette décision raciste se dit suivre des moraux religieux pour justifier l’oppression. LES CORPS DES FEMMES SONT UTILISÉS POUR SERVIR UNE MOTIVATION RACIALE ET POLITIQUE. LES POLITICIEN CONSERVATEURS UTILISENT CECI POUR SE FAIRE ÉLIR. HOMMES UTILISENT POUR ASSOUVIR LEURS DÉSIRS POLITIQUES

RAISON DE LA PEUR DES SORCIÈRES
La raison pour laquelle les histoires de sorcières ont pris en popularité à cause des réactions qu’elles suscitaient chez les gens qui les entendaient. En effet, même si la sorcellerie dans le sens magique n’était pas réelle, la peur, elle l’était. Ce fut donc utilisé par ceux persécutant les femmes « sorcières » afin de défendre et de justifier la violence posée à leur égard.
JUSTIFICATION DE LA VIOLENCE
Les discours pro-vie actuels, qui assimilent les femmes ayant recours à l’avortement à des « sorcières » ou des « tueuses de bébés », dissimulent des désirs politiques visant à limiter les droits des femmes. L’histoire des sorcières a pris de l’ampleur non pas parce que la sorcellerie existait réellement, mais parce que la peur qu’elle suscitait était bien tangible. Ce sentiment, très réel, a été exploité par ceux qui voulaient persécuter les femmes. Même si ces histoires étaient fausses, la peur qu’elles généraient permettait de justifier des actes de violence. Aujourd’hui encore, je vois ce même mécanisme à l’œuvre, par exemple quand Donald Trump ou d’autres politiciens parlent des « pro-vie » et disent que ceux qui défendent le droit à l’avortement veulent tuer des bébés. On raconte une histoire effrayante pour déclencher des réactions viscérales et justifier l’oppression. Bien que les États-Unis soient officiellement laïques, l’influence religieuse continue de modeler les lois et d’engendrer de la violence envers les droits reproductifs.

EXCLUSION DES FEMMES DANS LES DÉCISIONS LES IMPLIQUANT
Tout au long de l’histoire, les femmes ont été systématiquement exclues des discussions sur leur propre corps et leurs droits reproductifs. Que ce soit sous l’Inquisition ou dans les États modernes où l’avortement est restreint, les femmes sont continuellement réprimées, souvent sous des prétextes religieux ou moraux, alors que les véritables raisons sont souvent politiques et patriarcales.
MONA CHOLLET ET L’HÉRITAGE DES SORCIÈRES
L’autrice Mona Chollet en parle dans son ouvrage Sorcières : La puissance invaincue des femmes. Elle montre comment les sorcières sont devenues un symbole de la persécution des femmes indépendantes, de celles qui refusaient de se conformer aux normes de l’époque. Ce que je trouve troublant, c’est à quel point cette persécution résonne encore aujourd’hui. La peur de la femme qui s’affranchit, qui choisit pour elle-même, est encore bien réelle, et les structures patriarcales continuent de la réprimer, souvent en utilisant des récits religieux pour justifier cette violence. Ce n’est plus le bûcher, mais ce sont des lois qui restreignent nos droits, qui nous forcent à justifier nos décisions sur nos propres corps.

COMMENT LA SOCIÉTÉ CONTINUE-T-ELLE À CONTRÔLER LE CORPS DES FEMMES?
Le contrôle du corps des femmes n’est pas juste une affaire du passé. Encore aujourd’hui, les lois sur l’avortement, les discussions autour de la contraception et les normes sociales imposent des limites à notre autonomie. On nous dit que c’est pour protéger la vie, la morale ou l’ordre social. Pourtant, tout cela me semble être un moyen de maintenir le pouvoir sur les femmes, en utilisant des justifications qui n’ont pas tant changé depuis l’époque des sorcières. L’isolement des femmes, leur stigmatisation, leur exclusion des discussions sur leurs propres droits, tout cela me donne l’impression que la société trouve toujours des façons de nous faire taire.
DES DÉSIRS POLITIQUES DERRIÈRE DES DISCOURS MORAUX
Quand je regarde les débats sur les droits des femmes, que ce soit du passé ou d’aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de ressentir de la colère. On se cache derrière des discours religieux et moraux pour justifier des violences et des oppressions qui ont pour seul but de maintenir un certain ordre social et politique. Comme à l’époque des sorcières, ce sont les femmes qui en paient le prix. Les sorcières d’autrefois étaient accusées de pactes avec le diable, et les femmes d’aujourd’hui sont accusées de défier l’ordre naturel ou divin en choisissant d’avorter. Pourtant, tout cela, à mes yeux, n’est qu’une façade pour cacher des motivations bien plus sombres, celles du contrôle et de la domination. On parle toujours de « sauver la vie des bébés », mais où est cette inquiétude face à la vie des femmes?
