1:L’évolution du Punk de 222 à Enfants Sauvages, en passant par Grimskunk et Vulgaires Machins
–La naissance du Punk Québécois: Danger, 222s

Le punk québécois en est à ses balbutiements en 1977. Le groupe Danger! est, selon plusieurs, le premier vrai groupe punk du Québec. Le punk reste alors un mouvement très contestataire et underground, qui ne passe pas à la radio et est même dans l’illégalité. La fin de la Révolution tranquille amène un environnement très propice à l’exploration musicale. Le punk est donc une façon pour les jeunes québécois d’être en rébellion contre un système qui, bien d’être en changement, reste méfiant face à cette musique qui en choque plusieurs. Certains membres de Danger! vont se reformer dans le groupe 222s et connaitre un certain succès à New York dans le CBDG.

–Popularisation de la scène musicale: Grimskunk
À la fin des années 80s, le punk québécois, quoique encore underground, commence à entrer dans la scène musicale locale. Les groupes de punk connaissent un succès à Montréal. Cette époque du punk est caractérisée par une musique très « sauvage », voir « animale ». L’on voit cet aspect animaliste dans la musique des groupes comme GrimSkunk, qui chantent en hurlant et qui ne fait que très peu de « mixing », en laissant leur son plus sauvage, et donc plus proche des émotions. L’on voit les revendications de cette époque dans des chansons comme « Pourquoi ne pas fumer », qui prêche l’illégalité et attaque la structure gouvernante.

–Percée dans le mainstream : Vulgaires Machins
Dans les années 90s, et surtout les premières années du nouveau siècle, le punk devient plus accessible au niveau musical pour le grand public. C’est une musique qui revendique encore du changement, l’idée et le contenu ne change que très peu. Des chansons comme « Capital » abordent le mythe du capitalisme et de la croissance infinie. Plus tard, en 2006, Vulgaires Machins font étincelle avec leur album « Compter les corps », qui met véritablement le punk québécois sur les ondes. Des chansons telles que « Légaliser l’héroine » dénoncent l’inefficacité du système gouvernemental, alors que « anéantir le dogme » et « La télé me regarde » critiquent le manque de pensée critique et l’aliénation de la classe populaire.
–Le punk contemporain du Québec: Enfants Sauvages
Enfants Sauvages est un groupe punk québécois qui a sorti son premier album, Crève ton coeur, en 2018, entièrement enregistré en direct.
« Také live au Pantoum
Entièrement live: instruments, vocals, back, tambourine tout en même temps, sur grosses bobines (pas de numérique) en dix heures, pas d’overdub, ni de patchage, muffs assumés/intégrés. »
Cette description de leur album démontre bien un retour aux racines du punk plus crue, plus « sale » bien emblématique des années 80s et 90s. Leur punk plus hardcore s’inspire plus du métal que du rock and roll. Ils revendiquent du changement en chantant leur souffrance, leur manque de choix. Ils dénoncent l’indifférence et l’exploitation de la classe populaire.

2: Revendications et résistance par la musique
–contre-culture: aller contre la culture dominante
Le punk tire donc son origine d’une culture de rébellion. C’est entre autre placé en opposition avec la culture québécoise encore très catholique à ses débuts. Cette musique qualifiée d’ « inacceptable » est en fait un échappatoire pour certains jeunes qui cherchent à sortir du moule. Par contre, il ne faut pas y comprendre que le punk est une « phase » vécue par des jeunes qui vont ensuite se replacer dans les rangs. Le punk est un véritable outil de revendication pour les groupes marginalisés. La présence LGBTQ est généralement plus acceptée dans le punk, quoiqu’il y ait des tensions importantes entre skinheads et « punkheads »(des skinheads antiracistes), les skinheads étant un groupe qui se sert du punk pour des revendications racistes, voire nazies. Les punkheads sont plutôt de l’avis que le punk est un moteur d’acceptation et de libération des marginaux. Malgré l’ouverture des punkheads vis-à-vis les groupes marginalisés, le mouvement punk demeure très blanc. La chanson francophone punk est une réponse à la culture anglophone dominante qui viens du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada anglais.

–Spontanéité musicale
Le punk au Québec est une musique ressentie. Les paroles sont souvent pensées spontanément, sans révisions. Cette proximité à la pensée crue, intouchée, donne au punk son air de revendication politique. Le refus de réviser les paroles pour être plus acceptable sur la place publique est un élément important de l’indépendance musicale vécue dans le mouvement punk.
–Communautarisme
Le punk au Québec est très revendicateur du communautarisme, ce qui l’oppose à la culture populaire très néo-libérale. Les artistes proposent un style de vie plus communautaire, basé sur la proximité et en confrontation avec la culture de consommation. C’est vu dans la proliférations des « fanzines » (fan-magazine: un magazine fait par des fans, distribué principalement par bouche à oreille) sur la musique, la résistance politique et l’art. La popularité du « Do It Yourself » est une autre manifestation de cet esprit anti-consommation, qui sera exploré plus loin dans cet article.
–Accès à la production de musique
Le punk prône l’accès universel à la musique. Les groupes sont souvent composés d’amis n’ayant peu ou pas d’expérience musicale. Ainsi, le talent musical de la scène punk est très variable. Malgré tout, cette spontanéité musicale amène un renouveau sur la scène, et certains groupes réussissent à se démarquer. Cet accès reflète aussi le désintérêt de la culture punk de commercialiser et de « marketer » leur musique au grand public, préférant parler leur message par la musique.

3: Commercialisation du punk au Québec

L’habillement est une facette importante de la contreculture punk. Dans les années 1990, les amateurs modifient leurs vêtements afin de les personnaliser. C’est une réponse à la société contemporaine qui, selon plusieurs, force les jeunes à entrer dans le moule. les « patchs », des emblèmes ou images cousu sur les vêtements, sont particulièrement populaire. Des chaines attachées sur les vêtements, des épingles, des piercings et des cheveux colorés en bataille sont souvent aperçus dans les clubs punks, tout comme les vêtements déchirés. Durant les années 2000s, les magasins s’aperçoivent que les gens aiment les vêtements punks, et l’offre de vente se diversifie. Maintenant (2023), il est possible d’entrer dans un établissement tel que Diabolik et d’acheter des vêtements avec des « patchs » préinstallés, des jeans avec des chaines, des épingles, etc. Cette commercialisation du punk est un phénomène qui peut surprendre: ce mouvement caractérisé par le D.I.Y, l’illégalité et un désir de dé-commercialiser la musique s’est lui-même commercialisé pour être grand public. Cette commercialisation est une source de tension dans les communautés punk. Les plus militants considèrent souvent que l’achat de vêtements punk est un affront aux idéaux de la culture. Malgré tout, les magasins de vêtements dit « alternatifs » connaissent encore un bon succès dans les grandes villes du Québec.
La commercialisation du punk est aussi vécue au travers de la musique: les grands groupes populaires comme Vulgaires Machins vont connaitre un énorme succès en 2006 avec Compter les corps, un album généralement composé de chansons moins hardcore que leurs albums précédents. Lorsqu’ils sortent Disruption en 2022, l’album connait un succès beaucoup plus modéré, ce qui est sans doute causé par des chansons moins accessibles au grand public. Noter ici que les messages des chansons n’ont pas changés; c’est le « chaos » musical qui est moins présent dans le punk populaire. Le punk québécois s’oriente vers un retour aux racines plus underground, et très peu d’artistes réussissent à percer le mur qui les sépare de la musique populaire.

Et c’est bien correct. Lors de ma recherche, j’ai trouvé un mémoire sur le punk québécois. L’auteure mentionne avoir assistée à plusieurs spectacles dans un endroit qu’elle surnomme Lieu 1. Lieu 1 n’est pas le nom de l’établissement; mais l’endroit n’a pas les permis nécessaire à la production de spectacles. C’est comme un retour au 364: un lieu secret, isolé, où les marginalisés se rassemblent dans l’illégalité afin de vivre pleinement. Ce n’est pas une illégalité malicieuse, simplement un désintérêt de réguler le « fun » des clients réguliers. Lorsqu’on pense punk au Québec, on pense aux Foufounes électriques. Mais l’établissement sur St-Catherine est rendu mainstream, et trop populaire. Les groupes punks locaux ont de la difficulté à s’y présenter, l’espace étant occupé par des groupes de plus grande renommée nationale et internationale. Quand je lisais le mémoire, j’aurais voulu connaitre l’emplacement du Lieu 1. Parce que je connais quand même plusieurs artistes très underground, comme Bonne Journée, Enfants Sauvages ou encore Groovy Aardvak et Barasso. Mais je me suis rapidement rendu compte que ma place n’était pas au lieu 1: je ne suis pas particulièrement au courant des groupes qui se produisent encore aujourd’hui en spectacle, et je ne suis pas militant. L’espace est pour eux. Et je veux que cet espace existe! Je suis moi-même dans une communauté « alternative » et l’accès aux endroits sécuritaires et à l’abris des regards est très important.
Sources:
-Maxx, qui est beaucoup plus actif que moi dans la scène punk de Montréal et qui m’a fait découvrir des artistes très talentueux que je n’aurais jamais trouvé par une recherche internet.


-Summummag, en ligne: « Punk QC », Charles Laplante, date inconnue. https://www.summummag.com/non-classe/punk-qc/
-Montreal Gazette, en ligne: « ’77 Montréal: an oral history of the local punk scene », Brendan Kelly, 26 juillet 2017. https://montrealgazette.com/entertainment/music/77-montreal-an-oral-history-of-the-local-punk-scene
-La Presse, en ligne: « Pionniers du punk québécois, que sont-ils devenus? », Émilie Côté, 20 mai 2016. https://plus.lapresse.ca/screens/bb8e6adf-67ca-4df8-856d-a9f353c671dc%7C_0.html
-Bibliothèque de l’UQAM, en ligne: « L’appropriation de la culture punk : étude ethnographique du punk montréalais en 2015 », un mémoire de Julia Lamarque, 16 janvier 2017. https://archipel.uqam.ca/9259/

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