Depuis que la femme tente de se libérer de l’emprise des normes sociales oppressives, de multiple moyens ont été mis en place par certains groupes afin de déshumaniser diverses mouvements d’émancipation de la femme. On peut citer plusieurs exemples, tels que l’exclusion de la vie politique, la hiérarchisation des sexes, la diabolisation de la féminité et la chasse aux sorcières durant l’Inquisition. Au fil du temps, la sorcière a été représentée de multiple façons, il est donc pertinent d’étudier comment la sorcière est représentée. Cela est pour comprendre qu’il y a un lien à faire entre ce à quoi nous sommes exposés depuis un jeune âge et nos idées encore aujourd’hui. Dans le texte, il sera d’abord question de prendre compte des différentes représentations des sorcières et de leurs thèmes récurrents pour ainsi être en mesure d’analyser leurs impacts sur la vie des femmes, et ce encore à ce jour.
Que ce soit en dessin, en peinture, en littérature ou même en musique, la nudité est un élément répétitif dans les représentations de la sorcière. Les sorcières, passant leur temps dans la nature, sont alors libres de vivre dénudée, du moins c’est ce qu’on peut déduire de ce représentations, par exemple, dans la gravure sur bois de Hans Baldung, Sorcières. La nudité et l’érotisation forment un duo. On les voit nues, en train de chevaucher leurs balais, leurs bâtons, ou des objets d’allure phallique, comme dans la gravure de 1909, Sabbat de sorcières. Dans le rapport de Pierre de Lancre, publié en 1609, les habits réguliers des femmes et des filles, leur chevelure, les danses qu’elles font, le tout est sexualisé. Encore, les thèmes de l’animalité et de la nature sont présents dans presque toutes sortes de représentations de le sorcières. On y retrouve souvent des corbeaux, des crapauds, des chats, des rats, des hiboux, ainsi qu’un Bouc faisant appel à Satan lui-même. L’association de la sorcière avec des animaux engendre une transformation dans son apparence. La sorcière peut avoir des caractéristiques animales ou elle est accompagnée d’animaux, on le voit clairement dans Circé, peinture à l’huile par Wright Barker faite en 1889. Aussi, on peut supposer l’animalité de la sorcière car on associe sa liberté sexuelle avec celle des animaux. Certaines femmes sont même accusées de bestialité (zoophilie) et d’inceste, car on raconte que durant les Sabbats de sorcières avec le Diable, elles participent à des partouze, puis dans la noirceur de la nuit elles ne reconnaissent pas avec qui ou quoi elles font l’acte.

Enfin, la figure de la sorcière est aussi représentée comme une méchante vieille femme seule et laide. Dans Blanche-Neige et les sept nains de 1937, la Reine se transforme en vielle femme et met Blanche-Neige en danger. Dans le film The Shining de 1980, le personnage principal masculin retrouve une belle jeune femme nue dans la baignoire et la prend dans ses bras, mais on voit dans un miroir qu’elle est en fait un cadavre se décomposant. La relation entre la vieillesse, la mort et l’horreur dans ces représentations est à bien observer dans d’autres œuvres. En commençant par l’érotisation et la sexualisation des sorcières, à leur relation avec les animaux et la nature jusqu’à l’idée de vieillesse féminine critiquée, les sorcières sont représentées sous un éclairage différent au fil des années.

Pour les représentations de la sorcière où la nudité et la sexualité prédominent, ce qu’on peut ressortir comme impact sur la vie de la femme est la sexualisation de son corps en présence dans les œuvres pour finir à être accueilli dans la réalité aussi. Les femmes étaient accusées d’être des sorcières seulement parce qu’un homme éprouvait un fort désir et des fantaisies sur leur corps. Le terme « diablesse » fait surface dans le texte de Catherine Clément, Le musée des sorcières, publié en 2020, dans le contexte d’une critique du rapport de Pierre de Lancre de 1609. Dans la réalité, on a commencé à érotiser des activités féminines ou simplement les amitiés entre femmes, qui étaient un certain temps socialement interdites car on soupçonnait qu’elles allaient à des sabbats de sorcières ensemble. Cela a fait en sorte que les femmes en dénonçaient d’autres, en espérant éviter d’être la prochaine accusée. Et, l’animalisation, le fait de se rabaisser à l’état d’animal, est présent encore aujourd’hui dans les insultes utilisées contre les femmes. Puis, la femme laide est victime d’un traitement négatif en société. La vieille femme n’est plus utile à procréer et nourrir les fantaisies et les désirs des hommes, la femme vieille et laide est encore aujourd’hui prise de haut par les autres femmes et les hommes. Dans le patriarcat, la femme apporte la beauté et des enfants, une vieille femme laide ne sert donc plus aux hommes. Elle vit souvent seule, dans la forêt et est alors accusée de sorcellerie. Encore aujourd’hui, selon plusieurs personnes, une femme aînée a moins de valeur qu’une femme jeune, et de même pour une femme dite laide. Bref, nous sommes encore aujourd’hui affectés par les éléments associés aux sorcières dans leurs nombreuses représentations.
En conclusion, il est important de prendre en compte les différentes représentations de la figure de la sorcière, car elles reflètent des thèmes plus grands et graves qu’on peut penser à première vue. Nous sommes exposés à ces représentations dès un jeune âge, que ce soit en littérature, en cinéma ou en œuvres d’art visuel. Nous ne pouvons pas changer l’histoire, seulement notre perception des évènements peut réellement évoluer, alors il est temps de reprendre la figure de la sorcière sous une lumière plus réaliste, selon moi.
