Étapes du travail

  1. Situation des afro. américains dans le New York des années 70, plus particulièrement dans le Bronx et la situation de la moyenne des américains blancs. Veut voir quelle est exactement la relation économique et politique entre les populations blanches et noires à New York dans ce contexte social. Quelle sont les positions et les rapports de pouvoir objectif. (portrait plus sociologique, économique et politique, qu’on arrive à résumer). Voir la portée de l’inégalité, sa nature, etc. (asser bref, important est l’essentiel: inégalité). 
  1. Dans le cadre de ce rapport de pouvoir, de ces positions sociales respectives générales (on étudie ici des moyennes surtout, la moyenne blanche vs. la moyenne noire), quels sont les discours, les mentalités qui sont produites de cette réalité. Face à cette réalité et à cet ordre social existant, quel sont les rôles qui vont, les mentalités et les discours qui vont se créer pour perpétuer cette situation, pour la légitimer. Création d’une identité noire et une identité blanche qui se constitue/renforce dans ce rapport de pouvoir, par ce rapport d’opposition. Comment cela va se constituer (plus conceptuellement, très inspiré par les textes de James C. Scott et dialectique maître et esclave de Hegel et le texte de Memmi). Comment les deux parties vont être prises dans leurs rôles qui sont créés par la société, la tendance inévitable à les accepter. 

Voir le Hip-Hop comme une forme d’expression du discours caché des dominés plus ou moins masquée (selon les artistes, les périodes, etc.) face aux dominants (dans la culture américaine populaire). 

Notes de lectures

La domination et les arts de la résistance par James C. Scott (extrait)

“Ce petit théâtre de la civilité nous intéressera cependant moins, dans ce qui suit, que le jeu – également entendu au sens théâtral – auquel la vaste majorité des gens doit se soumettre depuis la nuit des temps. Je pense ici à la performance publique imposée à tous ceux qui sont pris dans des formes élaborées et systématiques de domination sociale : le travailleur face au patron, le serf face au seigneur, l’esclave face au maître, l’intouchable face au brahmane, ou le membre d’une race asservie face à celui d’une race dominante. À de rares, mais néanmoins non négligeables, exceptions près, la prudence, la crainte, ou le désir d’obtenir certaines faveurs vont modeler la performance publique du subordonné, afin de satisfaire les attentes du dominant. J’utiliserai le terme texte public pour décrire cette interaction entre les subordonnés et ceux qui les dominent[1].”

Des rôles et des positions sont performées, c’est-à-dire que les personnes “jouent le jeu” de leurs positions de pouvoir afin de les préserver ou du moins ne pas en perdre. 

Il s’agit de voir comment les dynamiques de pouvoir produisent les rôles et les discours dans lesquels vont se faire les relations entre les différentes personnes, notamment entre dominants et dominés, mais aussi entre dominés ou entre dominants. 


Je crois que cela est très pertinent pour développer une théorie générale du racisme, qui n’est que l’expression raciale d’une relation de pouvoir. Dans le NY du Bronx, en 1970, les États-Unis ne sont pas légalement ou politiquement un État appartheid, qui créent des barrières explicites dans son code de loi entre les personnes de différentes ethnicités/couleurs. Les inégalités sociales ne sont pas formalisées, mais elles sont renforcées par le racisme en tant qu’idéologie générale lui-même. 

“Can’t Stop Won’t Stop, Une histoire de la génération Hip Hop” de Jeff Chang (Extrait)

“Ainsi se chiffrait la nouvelle configuration : le South Bronx avait perdu 600 000 emplois dans l’industrie. 40 % du secteur avait disparu. Au milieu des années 70, le revenu annuel moyen par habitant avait chuté à 2430 dollars la moitié seulement de la moyenne à New York et 40 % de la moyenne nationale. Le taux officiel de chômage des jeunes s’élevait à 60 %. Les défenseurs de la jeunesse affirmaient que dans certains quartiers le chiffre véritable était plus près de 80 %. Si les conditions dans lesquelles la culture du blues s’était développée étaient celles du travail forcé et instrument d’oppression, celle du hip-hop devait émerger d’un climat de chômage généralisé.”

Donc il y a cette “situation” ou cette conjoncture dans le Bronx des années 70, où la population blanche avait majoritairement quitté le quartier, et celui-ci avait été démoli à la fois par des projets d’urbanismes gigantesques et par des pratiques immobilières frauduleuses. Ainsi, la pauvreté dans ce quartier est à un niveau extrêmement intense. 

La spirale descendante engendrait une économie parallèle. Les marchands de sommeil engageaient des casseurs professionnels pour incendier les immeubles pour la somme ridicule de cinquante dollars par coup, et récoltaient jusqu’à 150 000 dollars de leurs polices d’assurance. Les compagnies d’assurance profitèrent de l’arrangement en vendant davantage de polices. Même dans les immeubles inoccupés, le feu payait. Des groupes de voleurs organisés, certains accros à l’héroïne, pillaient les bâtiments incendiés pour récupérer les tuyaux, équipements en cuivre, et biens électroménagers qui pouvaient se refourguer.”

“Les journalistes Joe Conason et Jack Newfield enquêtèrent sur la logique des incendies criminels à New York pendant deux ans et demi. Ils découvrirent que la commission touchée par les agents d’assurances était calculée en fonction du nombre et de la valeur de polices vendues. « Il n’y a tout simplement aucune raison d’investir dans la construction ou la reconstruction de logements à loyers raisonnables pour les banques, les compagnies d’assurance ou n’importe quel investisseur », écrivirent-ils. « Dans l’immobilier, le nec plus ultra du capitalisme, c’est l’incendie volontaire. »

Mais certains affirmaient que le South Bronx offrait la preuve irréfutable que les Noirs et Latinos pauvres ne souhaitaient pas améliorer leurs conditions de vie. Daniel Patrick Moynihan, le sénateur démocrate de New York, alla jusqu’à avancer : « Les gens du South Bronx ne veulent pas de logements sociaux, sinon ils ne les brûleraient pas. » En 1970, il avait adressé au Président Nixon un mémo à la portée considérable, citant des données de la Rand Corporation sur les incendies dans le South Bronx et déplorant la montée en puissance de radicaux comme les Black Panthers, «Le temps est peut-être venu où une période de «laisser-faire» pourrait être profitable à la question raciale », écrivit-il dans une formule restée célèbre.”

Donc, face à la situation sociale et économique du Bronx, il s’agit d’aller voir quel sont les implications aux niveaux “psychologique” générale. Après avoir vu l’état du South Bronx de cette époque (détruit par des projets d’autoroute destinées à promouvoir l’étalement urbain, problèmes de logements, absence ou quasi-absence d’infrastructure et de système permettant le minimum de bien-être (accès à nourriture fraîche, des banques,etc.)), il s’agit de voir comment cela va être le fondement d’une certaine psychologie sociale, comment il va s’inscrire, au niveau des mentalités, une opposition. Cette opposition va prendre un caractère racial, mais elle parle réellement d’une différence de pouvoir entre les personnes. C’est de voir comment la situation sociale/économique des deux groupes va générer, à travers la culture, l’imaginaire et les “mentalités” des oppositions. 

“Portrait du colonisateur, portrait du colonisé par Albert Memmi”, résumé par Victoria Famin

https://la-plume-francophone.com/2008/09/01/albert-memmi-portrait-du-colonise-precede-du-portrait-du-colonisateur/

On parle ici notamment du colonisateur et du colonialiste. Le colonisateur est la condition de facto et de jure de l’Européen en colonie, c’est son statut dans les faits en tant que personne privilégiée sur tous les aspects de sa vie. Celui-ci peut ensuite prendre deux positions, le colonisateur qui se refuse, qui veut nier sa propre condition et/ou qui veut mettre fin à ces privilèges ainsi qu’à tous les privilèges de la colonisation, et le colonisateur qui s’accepte, qui devient colonialiste. Le colonialiste est “la vocation naturelle du colonisateur”, c’est ce que la société attend de lui, ce que l’idéologie coloniale le destine à être. Celui-ci accepte donc l’ordre colonial tel qu’il est, et ainsi il maintient ou du moins il croit en son idéologie raciste qui naturalise ou “essentialise” les conditions sociales, politiques et économiques de minorisation/d’exploitation des “indigènes” Algérien (les personnes présentes sur le territoire avant l’arrivée des colonisateurs). 

Si on veut faire un parallèle avec la situation raciale aux États-Unis, cela pourrait se traduire dans l’idée que la personne blanche à automatiquement un traitement qui lui est favorable, comparé à une personne noire (par exemple) dans un même contexte. Cette personne blanche pourrait avoir une vie et des conditions d’existence bien médiocre, mais celle-ci sera toujours avantagée indirectement (par la culture, les biais cognitifs, les stéréotypes, etc.) ou directement (par l’aménagement urbain, les financements de services publics, etc.). 

Je ne sais pas si ce modèle que Memmi propose est valide aussi pour les États-Unis (et si oui, à quel degré), plus particulièrement dans le contexte du Bronx New-Yorkais, mais je crois que c’est tout de même très intéressant pour offrir une piste pour comprendre les dynamiques raciales. 

Memmi commence par faire le portrait du colonisateur, voir qu’est-ce qui le caractérise. Memmi pose le colonisateur avant tout dans une position idéologique neutre. Bien que, par défaut, l’Européen en colonie Algérienne est privilégié, profite de l’exploitation des colonisés et contribuent à un système d’injustice, ce n’est pas une fatalité que celui-ci devienne colonialiste, c’est-à-dire fière représentant et adhérent à la logique coloniale dans laquelle il est positionné. Face à sa position socio-économique et à la situation coloniale, celui-ci peut soit l’accepter, soit la refuser (c’est-à-dire se refuser ultimement). Se refuser pour le colonisateur, c’est de se nier soi-même dans sa position et de refuser ses privilèges ainsi que la situation coloniale. S’accepter, c’est de devenir colonialiste et accepter l’idéologie coloniale pour s’expliquer à soi-même, pour rendre compte de sa propre position (supériorité) et de celle des autres (infériorité). 

“Le portrait du colonisé est abordé comme une conséquence de ce nouvel ordre moral établi par le colonisateur. Le colonisateur construit une image mythique du colonisé qui lui permet de légitimer sa situation privilégiée dans le contexte colonial. Cette figure du colonisé est marquée par des traits dégradants qui permettraient d’expliquer le pouvoir exercé par le colonisateur. Ainsi, les caractéristiques négatives attribuées au colonisé iront jusqu’à la déshumanisation de ce dernier. Bien que le portrait que le colonisateur propose soit révoltant, Memmi affirme que la situation coloniale oblige le colonisé à l’accepter, tout comme le colonisateur finit toujours par s’accepter : « ce portrait mythique et dégradant finit, dans une certaine mesure, par être accepté et vécu par le colonisé. Il gagne ainsi une certaine réalité et contribue au portrait réel du colonisé[9] ».”

Cela est très intéressant. La situation coloniale, caractérisée par l’exploitation des colonisés par les colonisateurs, est le contexte socio.-économique objectif, reconnu par les deux parties (le colonisateur réalise ses privilèges, le colonisé réalise sa condition d’infériorité et son exploitation, selon Memmi). Cette situation crée des rôles, qui sont en essence socio.-économique, mais qui ont aussi des dimensions idéologiques, psychologiques, etc. C’est-à-dire que autant que le colonisateur qui va contre soi-même, qui se “refuse” va complètement à contre sens avec sa propre situation et la société dans lequel il vit, ce qu’on s’attend de lui, le colonisé va aussi contre soi-même si il refuse la position qu’il a, la situation ou le “rôle” qu’il joue dans ce système. Aller contre sa propre réalité est profondément difficile, puisque c’est de se nier soi-même et de se créer soi-même hors des rôles ou des idées de la société qu’on a fait de soi. Les deux parties de cette relation, l’Européen et l’Arabe, vont donc avoir tendance à accepter les rôles, les positions qu’ils jouent, autant socio.-économiquement que idéologiquement, psychologiquement, etc. 

Dans les relations de pouvoir ou d’inégalité, les deux partis sont psychologiquement tourmentés. Il est exigé d’eux qu’ils tiennent des conditions proprement inhumaines, soit celle du supérieur ou de l’inférieur. Bien que le supérieur est clairement avantagé dans cette situation (au niveau matériel principalement), s’ il accepte d’y porter attention, il est troublé par l’étrangeté de sa position, et le rôle qu’on lui demande de jouer dans ce système. Même chose pour le colonisé, mais sans les privilèges du colonisateur. Celui-ci vit dans une position inhumaine où il est constamment tiraillé entre sa connaissance de soi en tant que sujet, en tant qu’être qui a une valeur intrinsèque inexploitable/inaliénable, et le rôle qu’il doit occuper dans le système colonial. Comme Marx le relève très bien en parlant de la dynamique entre bourgeois et prolétaire dans le système capitaliste, les deux sont autant malheureux, seulement qu’ un des deux peut cacher son tourment intérieur par le luxe, la consommation et la distanciation face à celui qu’il opprime. Personne n’est fait pour opprimer et pour être oppresseur, je crois vraiment que notre rapport le plus naturel à l’autre est soit égalitaire, soit indifférent. C’est quand la réalité matérielle et sociale devient un enjeu, se met entre nous et les autres, qu’il commence à avoir des dynamiques de pouvoir qui se créent autour du contrôle et de la possession de ses ressources, de se pouvoir. Et ainsi, quand le pouvoir émerge avec la possession et le contrôle, des rôles sociaux sont créés, puisque les êtres humains sont maintenant impliqués dans un système culturel pour leurs subsistances et/ou plaisir. Ils doivent jouer les rôles qui leurs sont assignés par tous les autres dans ce système afin que celui-ci fonctionne et que l’individu se sente à sa place dans celui-ci.  

Sources intéressantes/pertinentes:

https://www-jstor-org.res.banq.qc.ca/stable/pdf/20831971.pdf?ab_segments=0%252Fbasic_search_gsv2%252Fcontrol&refreqid=excelsior%3Aa55a8166e4cce2d922adff41379aec04 (“THE RESURRECTION OF THE SOUTH BRONX: AN EVENT OF FIN DE SIECLE”)

https://www.city-journal.org/truth-about-white-flight-from-cities (“The truth about White Flight”)

https://books.openedition.org/pupo/736?lang=fr#ftn11 (“Reconnaissance, identité et intégration sociale”)

http://www.gauchemip.org/spip.php?article5832 (« Les fondements psychologiques de la soumission et de la servitude »)

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