Comment les représentations de la sorcière, dans le cinéma américain, dictent l’idéal féminin
Étant jeune, je ne me suis jamais déguisée en sorcière. Je ne voulais pas être perçue comme méchante et vilaine. Je voulais être jolie, gentille et douce. C’est un peu plus tard que je réalise qu’en réalité la sorcière est une badass, une femme qui a le pouvoir magique de faire ce qu’elle veut. C’est aussi à cette époque que je commence à me sentir mal dans ma peau et que je rêve d’être comme ma sœur ; blonde, mince, élancée avec une peau lisse. Durant ces années, j’écoute aussi ma sorcière bien-aimée, car je suis fan de la mode des années 60. Il se trouve que j’avais internalisé le standard de beauté véhiculer à travers cette série télévisée. Maintenant, je me demande comment les représentations de la sorcière dictent l’idéal féminin ? La sorcière est utilisée pour véhiculer ce qu’il faut ne faut pas être. Cette figure dicte le comportement ainsi que l’allure dans le monde du cinéma entre autre.
Lors des premiers films, les sorcières ressemblaient souvent au stéréotype du Moyen-Âge. Pensez à la sorcière de blanche neige ou celle du magicien d’oz elles sont toute deux vielles, vêtues de vêtements appartement à une autre époque, ayant le nez crochu, des verrues sur le visage et d’autres clichés antisémites. Ces sorcières imagent l’opposée de ce qu’on recherche chez une femme tant avec leur apparence qu’avec leur comportement. Reprenons le même exemple, ces deux sorcières sont des femmes célibataires, indépendantes et en position de pouvoir soit l’opposé de ce qu’une femme devrait être selon les critères sociaux du début du XXe siècle (blanche neige en 1930 et le magicien d’Oz en 1939). Les films de l’époque présentent alors aux femmes ce qu’elles ne devraient pas être à travers une figure détestée depuis des siècles. Les sorcières incarnent en quelque sorte un contre-exemple pour les femmes et les jeunes filles. Une femme ne se doit pas d’être seule, prendre des décisions et d’être libre. L’industrie du film a donc utilisé la sorcière pour représenter les côtés non désirer en présentant la sorcière comme mauvaise.
La figure de la sorcière est utilisée pour représenter la beauté et la laideur. Jean-François Dortier explique que dans le monde occidental, la laideur est associée au mal et aux sorcières. Cette laideur suscite chez autrui le dégout et la peur. C’est pourquoi les sorcières dites laides selon les standards de beauté occidentaux sont les personnages méchant et vilain qui font peur. De plus, les traits de laideur comme le nez crochu sont souvent des traits associés aux juifs. La démonisation de ces traits est une conséquence directe de l’antisémitisme en Occident. Mona Chollet, une journaliste qui a étudier la question des sorcières et de leur représentation confirme, elle aussi, que : « La caricature de la vieille sorcière ressemble à celles antisémites ». Jusqu’à la réappropriation de la figure de la sorcière, cette dernière était donc utilisée pour transmettre les standards antisémites de laideurs.

Ces sorcières se ressemblent beaucoup; le nez, les cernes, les longs ongles, les gros sourcils, les vêtements noirs, les dents croches… Elle ressemblent aussi beaucoup à la caricature antisémite.


Cependant, dans les années 60 vient une réappropriation des sorcières par les féministes qui présentent cette figure culturelle sous un nouveau jour. Les sorcières deviennent l’archétype féminin. Cela ne passera pas inaperçu dans l’industrie cinématographique. Elle utilise alors la nouvelle image de la sorcière pour dicter, une fois de plus, l’idéal féminin. Dans la série ma sorcière bien-aimée ou Bewitched qui débutera en 1964, Samantha, la sorcière, n’a plus dû toute l’apparence de la sorcière conventionnelle, bien au contraire. Elle est jeune, gentille douce et surtout docile. Elle a abandonné sa vie de sorcière libre pour s’assujettir à son mari et devenir femme au foyer qui obéit. Elle prend soin de sa figure et donne des enfants à son mari. Lorsque la figure de la sorcière est réappropriée, la sorcière du cinéma devient un véhicule pour présenter l’idéal féminin. La sorcière a donc toujours été utiliser par les médias pour dicter aux femmes comment se comporter et paraitre.
Après la réappropriation de la sorcière dans les années 60, la sorcière est vue comme positive et donc belle. Elle répond aux certaines constances de la beauté. Jean-François Dortier décrit la beauté comme souvent associée à la jeunesse et la santé. Ce qui est beau est symétrique, lisse et droit. Dans la société occidentale du XXe siècle, il y a aussi les petits nez, les grands yeux avec des pommettes hautes et surtout la peau blanche. Lorsqu’on observe une photo de l’actrice Elizabeth Montgomery (l’actrice qui joue Samantha dans ma sorcière bien-aimée), il est évident qu’en plus de répondre aux standards de beauté « universelle » elle répond à ceux de son époque soit le physique mince et élancé. La figure de la sorcière, dans ce cas, est alors pleinement utilisée pour transmettre des standards de beauté inatteignable pour beaucoup de femme.

La question de représentation de la sorcière est beaucoup plus importante qu’il peut sembler. En effet, de plus en plus de jeunes femmes voient la sorcière comme une femme moderne qui vit comme elle l’entend. Elle s’impose, a un fort caractère, est libérée sexuellement, indépendante et célibataire par choix. Elle refuse les normes sociales et embrasse son corps qui vieillit. La sorcière est aussi en accord avec la nature (écoresponsable) et féministe. Cette sorcière moderne fait aussi partie d’une communauté avec un sentiment d’appartenance. La sorcière est en d’autres mots l’incarnation de l’esprit de résistance pour les femmes. Cependant, l’industrie du cinéma utilise encore son image pour perpétuer l’idéal féminin. Les femmes qui se voit comme sorcière s’identifie alors à ces héroïne qui n’ont rien de la sorcière moderne. Hollywood utilise ces figures contre les femmes en quelque sort. Par exemple, dans la série Les nouvelles aventures de Sabrina, bien qu’il y a de la diversité ethnique, les personnages principaux sont principalement tous minces et à l’apparence jeune. Pour ce qui est de leur comportement, Sabrina se voit obligée de se soumettre à des figures masculines à travers la série. Donc pas beaucoup de progrès dans cette industrie après 60 ans, les même standards sont toujours présent.

Il est important d’être au courant de ce phénomène. Sinon, il est fort probable de tomber dans le piège et de chercher à être comme ces héroïnes sans se rendre compte du mal que cela nous inflige.
Pour résumer, la figure de la sorcière a été modifiée à travers les années pour devenir une représentation qui véhicule l’idéal féminin. Au début, cette figure représentait ce que la femme devait éviter d’être à tout prix. Dans le cinéma, ça s’est transmis à travers les figures des sorcières dans Blanche neige ou le magicien d’Oz. Or, après l’appropriation de la figure de la sorcière par le mouvement féministe, la sorcière devient elle-même l’exemple à suivre. Cela s’est fait au petit écran avec des séries comme Ma sorcière bien-aimée ou Les nouvelles aventures de Sabrina.
L’enjeu des standards de beauté et du comportement de la femmes existe depuis bien avant le cinéma alors c’est compréhensible qu’il perdure dans ce milieu. Cependant, ce n’est pas pour autan qu’il devrait. Il y a beaucoup de place pour l’amélioration. Par exemple, il se doit d’avoir une plus grande diversité. La femme doit être représentée dans différents corps, à différents âges, avec différents caractères, occupant différents emplois, etc. Il se doit aussi de faire paraitre à l’écran des femmes le plus proche possible de la réalité pour que l’image véhiculée de la femme soit réaliste. De plus, les femmes se doivent d’être plus présentes dans l’industrie hollywoodienne et occuper des postes importants pour faire changer l’institution du cinéma de l’intérieur. En parallèle, les femmes du monde entier se doivent de toujours remettre en question ce qui leur est présenté à l’écran et honorer leur héritage de sorcière sans laisser personne le diaboliser.

Bien que la sorcière a été réappropriée par les femmes dans le monde occidental, je me demande ce qu’il en est pour le reste du monde. Comment la figure de la sorcière est perçue dans les pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud ? Est-elle adulée ou détestée ? Sont-elles encore pourchassées ? Si oui, est-ce que cela se produit pour les mêmes raisons qu’en Europe ?